Maître Wang Yen-nien et mon professeur Charles Li au Jardin du Luxembourg, Paris 1981

Charles Li

Vers la fin des années soixante-dix il existait déjà, en France, plusieurs cours de Taijiquan mais, l’immense majorité d’entre-eux ne développait de cette pratique que l’unique vision gymnique limitée à la reproduction d’une forme plus ou moins simplifiée alors considérée comme une sorte de yoga dynamique.

Dans la plupart des cas il s’agissait en fait d’une version beaucoup plus californienne et post-soixante-huitarde que chinoise.

Rares alors étaient ceux qui étaient en mesure de démontrer que le Taijiquan était également un « art du poing » à plein titre autrement que par le biais du fantasme d’une invincibilité merveilleuse et par conséquence jamais éprouvée autrement que par la parole.

Dans ce contexte particulier il était alors normal que deux enseignants détonnent quelque peu. Il s’agissait de deux élèves du Maître Wang Yen-nien qui enseignaient de concert dans une salle parisienne : Serge Dreyer et Charles Li.

Ils étaient tous deux universitaires et aussi différents qu’il était possible de l’être. Serge Dreyer était un solide sarthois barbu, volubile et enjoué au physique de rugbyman et qui avait été joueur professionnel de football au Mans tandis que Charles Li était un chinois filiforme et taciturne comme un félin.

Ils transmettaient un Taijiquan étrange, complexe et fort peu démonstratif, très en appui sur la jambe arrière avec une bascule du bassin très caractéristique…

Contrairement à la plupart des autres tendances le corps commençait par une préparation très structurée et très physique basée sur des enroulements et des déroulements et se terminait, invariablement, par des exercices à deux puis par des applications de combat.

Maître Wang Yen-nien et mon professeur Charles Li au Jardin du Luxembourg, Paris 1981

Les deux enseignants faisaient alors montre d’une réelle efficacité tant dans des pratiques de poussées que dans des saisies ou des applications libres incluant les poings et les pieds et étaient même impressionnants lorsqu’ils rivalisaient d’adresse.

De plus, ce qui était rare et l’est encore actuellement, il ne s’agissait pas d’une quelconque adaptation d’un autre sport de combat ou d’une aptitude personnelle aux principes du Taijiquan mais bel et bien d’applications classiques du Taijiquan en combat.

Il est en effet tout à fait possible d’étudier le Taijiquan classique et d’utiliser en combat libre de la Boxe anglaise ou du Karaté.

Le travail proposé était réellement différent et réellement efficace et bon nombre de pratiquants et d’enseignants d’arts martiaux furent alors convaincus que le Taijiquan ne se limitait pas à une simple gymnastique.

Etrangement ces deux enseignants insistaient également sur la précision du geste et de la posture, sur le placement du souffle ainsi que sur les principes essentiels de l’énergétique chinoise classique.

Il leur arrivait même de parfois citer les classiques chinois.

Extrait in revue TAO YIN, mars-avril 1999, p. 26